Une rupture diplomatique moteur d'un regain de volonté d'indépendance (2000 à aujourd'hui)
La présidence de Donald Trump a marqué une profonde rupture diplomatique dans les relations entre les Etats-Unis et le Mexique, questionnant notamment l'avenir de leur coopération sécuritaire historiquement renforcée sous Ronald Reagan autour de la lutte contre le narcotrafic. En mobilisant un discours anti mexicain à des fins électorales, D. Trump fait du Mexique un bouc émissaire des enjeux migratoires économiques et criminels, tout en imposant la renégociation de l'ALENA. En réaction, les partis mexicains se succédant au pouvoir tentent d'adopter une diplomatie d'équilibre, notamment sous le Mouvement de Régénération Nationale (MORENA).

La guerre contre le narcotrafic
Dans les années 1970, le président Nixon menait déjà une guerre contre les cartels mexicains. Relancée en 1980 par R. Reagan, les deux pays ont toujours connu des conflits liés aux enjeux sécuritaires et au trafic de drogue. Depuis le début des années 2000, le Mexique est soumis à une pression constante afin de lutter contre le narcotrafic.
Sous la présidence mexicaine de Felipe Calderon du Parti d'Action Nationale (PAN), entre 2006 et 2012, la guerre contre la drogue a pris un nouveau visage. Le pays en coopération étroite avec les Etats-Unis, a étendu un conflit sur l'entièreté du territoire, menant à des résultats peu concluants ; les objectifs n'ont pas été atteints, plus de 50 000 personnes ont perdu la vie et 10 000 ont été portées disparues. Les cartels ont alors progressé au nord du pays en se rapprochant de la frontière, là où la violence et la criminalité sont à leur apogée. Cette région du pays accueille désormais les "nouveaux pauvres" largement impactés par cette guerre et faisant pour certains partie intégrante des cartels.
(Photo libre de droit : forces militaires au Michoacán impliquées dans la guerre contre la drogue)
Par Diego Fernández (autor original) Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=3220298

Une renégociation économique importante
Entre 1997 et 2013, les Etats-Unis auraient perdu près de 800 000 emplois en raison des délocalisations encouragées par l'ALENA, une problématique dont s'est rapidement saisi D. Trump. En 2018, il exige la renégociation de l'accord afin d'obtenir des conditions qu'il juge comme plus équitables pour les travailleurs américains. Entré en vigueur le 1er juillet 2020, l'AEUMC (Accord Etats-Unis-Mexique-Canada) a alors remplacé l'ALENA.
Par cette renégociation, le Mexique a connu quelques évolutions économiques. En effet, l'accord a imposé des critères de salaire élevés, ce qui a contraint le pays à accélérer la modernisation de sa production en l'automatisant. Grâce à cela et au tensions entre les deux géants mondiaux, le Mexique est devenu le premier partenaire mondial des Etats-Unis en 2023. Aussi, l'AEUMC a favorisé la multiplication d'investissements étrangers voulant produire au Mexique pour accéder au marché américain sans payer de droits de douane.
Cependant, la dépendance mexicaine à l'égard des Etats-Unis reste considérable. Environ 83% de ses exportations sont destinées au marché américain, laissant planer un risque de déstabilisation économique majeure en cas de rupture commerciale. La renégociation a également renforcer la tutelle américaine sur certaines politiques mexicaines, notamment les politiques agricole et énergétique, puisque le Mexique ne peut en être le coordinateur avant qu'elles aient été approuvées par son voisin. Cette disposition permet notamment au pays de bloquer certains produits mexicains pour protéger ses propres entreprises. Finalement, le Mexique subit une pression constante des Etats-Unis lui imposant de restreindre les investissements chinois sur son territoire, le plaçant dans une position délicate entre son besoin de capitaux et la volonté américaine de contenir l'influence chinoise
(Photo libre de droit : signature de l'AEUMC
Par Shealah Craighead - The White House from Washington, DC — https://www.flickr.com/photos/whitehouse/44300765490/, Domaine public)

Une recherche d'équilibre perpétuelle
Depuis l'arrivée de D. Trump au pouvoir, la relation entre les deux pays a changé de visage. Elle n'est plus seulement commerciale, elle s'est transformée en un rapport de force permanent. D. Trump utilise désormais l'économie comme une arme contre les questions migratoires et sécuritaires, une politique à laquelle le Mexique refuse de se plier. Le parti de MORENA a alors adopté une stratégie de "souveraineté active" consistant à réaffirmer l'indépendance politique du Mexique, tout en préservant l'interdépendance économique vitale avec les Etats-Unis, garantie par l'AEUMC.
Ainsi, le Mexique tente de diversifier ses liens, notamment en renforçant ceux avec les pays d'Amérique Latine et de l'Union Européenne, notamment à travers l'accord commercial du MERCOSUR. Aussi, le pays cherche de plus en plus à conserver le contrôle sur son pétrole, tout en respectant les clauses commerciales. Finalement, sur les questions de lutte contre le narcotrafic ou encore de gestion migratoire, le Mexique accepte de coopérer étroitement avec les Etats-Unis tout en insistant sur le respect de la juridiction mexicaine dans le cadre des interventions.
Les conséquences de la présidence Trump ont eu un réel impact sociétal notamment. En effet, les Etats-Unis constatent une persistance des agressions physiques et verbales contre les personnes issus de l'immigration d'Amérique Latine, une situation que tente de dénoncer le gouvernement mexicain, en équilibre avec la défense de ses intérêts économiques. Le pays investit alors dans la promotion de l'identité latino pour tenter de faire changer la vision de l'opinion publique américaine.
(Image générée par l'IA : Claudia Scheinbaum et Donald Trump)