Pour aller plus loin
Si les relations avec les Etats-Unis ont façonné la structure économique du Mexique, elles ont également créé des fractures internes profondes. Cette rubrique explore comment l'interdépendance asymétrique avec le Nord nourrit aujourd'hui un phénomène politique majeur : l'essor du populisme et le recul démocratique dans les pays d'Amérique Latine.
L'interdépendance entre le Mexique et les Etats-Unis, forgée depuis toujours de dépendance économique et de pressions diplomatiques, ne se limite pas à un simple enjeu de relations extérieures. Ces relations sont un réel catalyseur des fractures sociales internes qui alimentent aujourd'hui la montée du populisme.
Si l'intégration économique au marché Nord-américain a stimulé la croissance, elle a également accentué des inégalités économiques profondes où 1% des mexicains les plus riches détiennent désormais 40% du PIB. Cela créé un sentiment de dépossession chez les populations démunies et un terrain fertile au recul de la démocratie.
Face à cette asymétrie et à la corruption, le parti MORENA et Andrés Manuel Lopez Obrador ont su capter la déception de peuple en proposant un discours de rupture fondé sur la justice sociale et la critique du système en place. Un discours accompagné d'un paradoxe profond puisque le projet projet présenté et réalisé repose en réalité sur une centralisation croissante du pouvoir et une personnalisation du leadership qui menacent la solidité des institutions démocratiques.
Voici la présentation d'un projet de recherche visant à comprendre comment la réponse populiste mexicaine s'inscrit dans une dynamique régionale plus large, identifiée comme un "phénomène contagieux" en Amérique Latine. Un continent dans lequel le Venezuela ou le Salvador voient également leurs démocraties fragilisées par des dérives autoritaires initiées au nom du peuple.
Pour conclure, je souhaiterais partager une expérience personnelle qui permet d’illustrer concrètement les relations d’interdépendance entre le Mexique et les États-Unis. Partie au Mexique pendant plusieurs mois, j’ai été bénévole pendant deux mois dans un refuge de migrants, Aldea Arcoiris, dont l’objectif est d’aider les minorités persécutées ainsi que les migrants mexicains ou étrangers à obtenir un statut légal et stable, afin d’être protégés.
Durant ces deux mois, j’ai vu passer de nombreuses familles, parfois mexicaines, parfois vénézuéliennes ou équatoriennes, qui espéraient rejoindre les États-Unis dans l’espoir d’une vie plus paisible. Beaucoup avaient sacrifié toutes leurs économies pour traverser le continent, et les enfants, souvent très jeunes, se retrouvaient déscolarisés, avec de réelles lacunes. En suivant les démarches administratives des migrants et des réfugiés, j’ai pu constater à quel point l’accès aux droits est compliqué et combien il est difficile de faire respecter ceux-ci.
Mon passage dans ce refuge a coïncidé avec la réélection de Donald Trump. À ce moment-là, des bus entiers de migrants étaient renvoyés vers le nord du Mexique, ce qui a rapidement saturé les ONG locales qui tentaient de leur venir en aide. Cette situation montre à quel point les décisions politiques prises aux États-Unis ont un impact direct sur le Mexique.
Cette expérience met en évidence les conséquences très concrètes des relations entre les États-Unis et le Mexique, et plus largement avec l’Amérique latine. Les choix politiques d’un pays ont des effets réels et profonds sur l’autre, mettant parfois des familles entières en danger et fragilisant tout un écosystème humanitaire. Elle illustre ainsi une relation d’interdépendance forte, mais aussi déséquilibrée, entre les deux pays.
(Photo prise au refuge en janvier 2025 d'un cours d'écriture avec deux enfants vénézuéliens âgés de 7 et 10 ans).